lundi 28 avril 2025
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Maï-Ndombe, Tshopo, Ituri : ces autres conflits oubliés qui déchirent la RDC

Maï-Ndombe, Tshopo, Ituri : ces autres conflits oubliés qui déchirent la RDC

Bruxelles, le 10 avril 2025 (caritasdev.cd): Pendant près de trente ans, l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) a été le théâtre d’une guerre largement sous-médiatisée. Les prises des villes de Goma et de Bukavu, par les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, en janvier et février 2025, ont replacé la région sur la carte du monde. Mais il existe encore plusieurs autres conflits en cours dans ce gigantesque pays. Des conflits dits "communautaires" qui découlent tous, de près ou de loin, du délitement de l’Etat congolais.

Téké et Yaka, un conflit aux portes de Kinshasa        

Depuis bientôt trois ans, le territoire de Kwamouth, en province de Maï-Ndombe, à l’Ouest de la RDC, est le théâtre de violents affrontements entre communautés rivales avec pour conséquences des milliers de morts, des centaines de milliers de personnes déplacées et de nombreuses violations des droits humains. Un conflit qui se déroule pratiquement à huis clos depuis que les autorités ont interdit aux journalistes de se rendre sur place.

A l’origine, une rivalité entre les communautés Tékés et Yakas. Les premiers, qui occupaient les lieux bien avant les seconds, avaient l’habitude de faire payer une redevance aux Yakas pour obtenir le droit d’exploiter les terres. Ce système a fonctionné pacifiquement pendant des décennies avant de dégénérer en 2022, les Tékés accusant les Yakas de refuser de payer la redevance coutumière, les Yakas accusant les Tékés d’avoir augmenté la redevance. Malgré quelques tentatives de médiation, le gouvernement congolais s’est avéré incapable de neutraliser le conflit.

De nombreux villages ont été pillés et brûlés au plus fort des violences dans la province de Maï-Ndombe. Les populations ont déserté, restent les vestiges calcinés de la vie d’avant. © Caritas

"Ce conflit est né de rivalités foncières, explique Édouard Makimba Milambo, secrétaire exécutif de Caritas Congo. Mais il s’est tellement aggravé, avec l’apparition d’une milice ("Mobondo", ndlr) qu’on n’en maîtrise plus les enjeux. Il déstabilise aujourd’hui toute la région, débordant sur les provinces de Kwango, du Kwilu et même sur la commune de Maluku qui se trouve aux portes de ville province de Kinshasa. On se demande d’ailleurs s’il n’y a pas une main noire qui tire les ficelles derrière cette rivalité communautaire entre Tékés et Yakas."

Mbole et Lengola en guerre ouverte près de Kisangani

En janvier 2023, c’est la province de la Tshopo, près de Kisangani, qui s’est embrasée. Là aussi, c’est une question de rivalité foncière qui a mis le feu aux poudres. "C’est un cas assez similaire à ce qu’on observe en province de Maï-Ndombe, poursuit Édouard Makimba Milambo. Tout est parti d’un conflit foncier entre les communautés Mbole et Lengola, qui revendiquent toutes les deux la propriété de terres qui ont été cédées par les autorités provinciales à l’entreprise CAP Congo. La situation a rapidement dégénéré. On dénombre déjà 70 morts et près de 11.000 personnes déplacées."

  L’Ituri à feu et à sang       

A l’Est du pays, on parle régulièrement de la guerre que mènent les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda dans les provinces du Nord Kivu et du Sud Kivu. Mais la province de l’Ituri est elle aussi le théâtre régulier d’exactions contre les populations civiles par les groupes armés ADF et Codeco, notamment. Depuis le début de l’année, plus de 200 civils ont été tués et plus de 100.000 personnes ont fui leurs foyers dans cette province, qui comptait déjà 1,4 million de déplacés internes, malgré la présence de troupes de l’armée ougandaise venues officiellement renforcer l’armée congolaise dans la lutte contre les groupes armés.

Kasaïens et katangais se regardent en chiens faïence

Plus au sud, les rivalités ancestrales entre les provinces du Kasaï et du Katanga se sont également ravivées depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi. "Il est indéniable que l’UDPS, le parti du président, est considéré comme le parti des Kasaïens, explique Erik Kennes, chercheur à l’Institut Egmont. Et les Kasaïens, qui ont le sentiment d’avoir été marginalisés pendant très longtemps, agissent aujourd’hui dans les cercles du pouvoir, comme si l’Etat leur appartenait." Une attitude qui suscite une rancœur particulière dans l’ancienne province du Katanga, riche de cuivre et de cobalt, où les Kasaïens sont venus s’installer en nombre ces dernières années.

"Il est sûr que si le pouvoir en place avait essayé d’améliorer un tant soit peu les conditions sociales des gens on n’aurait pas tous ces conflits communautaires en RDC, analyse Erik Kennes. Ces conflits découlent du délitement de l’Etat et celui-ci ne s’est pas écroulé par l’effet de la pluie ou des termites. Mais à cause du manque de volonté politique".

Avec RTBF